Espèce de lotus
J’étais venu à Cabourg pour du piano à quatre mains, des concerts voix et orgue, du clavicorde intimiste, pour l’histoire du manteau de Proust et l’influence de Ruskin sur lui — Marcel, pas sa pelure.
J’avais commencé à réfléchir sur des chroniques aussi profondes que spirituelles. Mais ce soir, avant de sortir du Grand Hôtel sur la digue, un ami m’a entrepris sur les limites de ma capacité à écrire sur n’importe quel ujet pourvu qu’il soit dans À la Recherche du temps perdu. « Je ne cours pas de risque, lui dis-je, dehors, mon regard va se porter sur un joli minois et une taille fine et j’aurais une chronique assurée sur les jeunes filles en fleurs. »
Ayant à peine franchi la porte à tambour, mes yeux tombent effectivement sur de beaux châssis aux lignes ondulantes. Seulement, c’était… Voyez vous-même :
Une exposition de Lotus sagement alignées ! Même en cherchant bien, pas de bolides de compétition dans la Recherche. Pari perdu ? On parie ?
J’avais dans un coin de ma tête un propos de la duchesse de Guermantes sur un aristocrate d’Empire, un Iéna :
*Le fils est même très agréable… Ce que je vais dire n’est pas très convenable, ajouta-t-elle, mais il a une chambre et surtout un lit où on voudrait dormir — sans lui ! Ce qui est encore moins convenable, c’est que j’ai été le voir une fois pendant qu’il était malade et couché. À côté de lui, sur le rebord du lit, il y avait sculptée une longue Sirène allongée, ravissante, avec une queue en nacre, et qui tient dans la main des espèces de lotus. III
Comme à la Samaritaine, on trouve tout chez Proust.
Parole de proustiste…
Patrice Louis